Comment les campagnes publicitaires Google Ads et Facebook Ads peuvent-elles évoluer avec les évolutions profondes du tracking ?
Tout d’abord faisons le point des lignes de tendances qui se construisent autour des deux pôles : Respect de la vie privée et Besoins de data pour le ciblage et donc de tracking .
Commençons par la position d’Apple qui souhaite devenir le champion de la vie privée. Est-ce seulement un nouveau positionnement stratégique permettant à Apple de reprendre habilement le costume du leader disruptif en se différenciant des autres GAFAM (Google, Facebook, Amazon, Microsoft), ou est-ce l’aboutissement naturelle de nouvelles valeurs de la firme à la pomme ?
Les faits : le déploiement au 1er semestre 2021 du nouveau framework IOS 14.5 AppTrackingTransparency (ATT) qui équipe les IPHONE sonne le glas du tracking historique sur l’écosystème APPLE.
L’utilisateur de l’IPHONE aura le choix à chaque installation d’application de donner ou pas son consentement au suivi, y compris l’accès à l’IDFA. Les développeurs d’applications iOS sont désormais obligés d’utiliser le framework ATT, et en cas de non-respect des règles en vigueur, Apple pourrait supprimer les applications hors-la-loi de son App Store.
Pour rappel l’IDFA est l’Identifier for advertisers, en fait un numéro unique à chaque appareil IOS disponible depuis IOS6, permettant aux régies publicitaires de :
- diffuser des publicités pertinentes aux utilisateurs,
- recibler les campagnes,
- et identifier les canaux à forte valeur ajoutée d’où provenaient les utilisateurs.
Avec SKAdNetwork, le modèle d’attribution alternatif proposé par Apple sous iOS 14, il est donc désormais impossible de remonter comme d’habitude à l’utilisateur, impossible non plus d’attribuer les conversions avec une analyse fine du parcours au préalable.
Pour les spécialistes du marketing digital les datas importantes de connaissance du parcours d’un client utilisateur d’appareil Apple menant à la conversion disparaissent donc, le modèle d’attribution Apple ne donnant plus que des données agrégées.
Comment faire pour avoir les mêmes retombées publicitaires si les possibilités d’optimisation et de ciblage diminuent fortement?
Pour l’instant pour palier à la diminution des possibilités d’optimisation et de ciblage les annonceurs ont tendance à augmenter les dépenses publicitaires pour avoir les mêmes résultats. Puisque les publicités sont moins ciblées/personnalisées qu’auparavant, il en faut plus pour les mêmes résultats, c’est tout benef pour la plus grande régie publicitaire au monde :Google avec 145 Millards de CA, en progression forte au Q1 2021 (55Md$ versus 41Md$), malgré le COVID, et c’est très mauvais pour les dépenses carbone des activités digitales et le ROI des campagnes côté annonceur.
Le retargeting est aussi pénalisé puisque les données deviennent agrégées, cela peut provoquer le retour en force des techniques que l’on pensaient passées de mode comme par exemple l’emailing.
Les éditeurs d’application auront moins de revenus publicitaires, il faut donc pour eux faire évoluer urgemment les business models.
Facebook est grandement impacté par ces mesures tant sur les mobile Apple que sur desktop via Safari et sa nouvelle fonctionnalité Intelligent Tracking Prevention qui bloque les cookies tiers et limite les first-party.
Facebook estime que la fin de la publicité ciblée à cause notamment de la politique plus protectrice de la vie privée mise en place par Apple fera chuter les revenus des petites entreprises de 60%, évoquant un chiffre calculé à partir de données internes.
Facebook se fait le chevalier défenseur des petites entreprises contre le méchant Apple et a acheté des pages entières dans les quotidiens américains pour son lobbying anti Apple.
Dans les navigateurs utilisés en cross device, Safari ne fait pas exception puisque Firefox (Mozilla 10% du marché) dans sa version 87 introduit une Referrer Policy par défaut plus stricte et plus respectueuse de la vie privée.
Désormais, par défaut, Firefox supprime les informations relatives au path et supprime aussi les informations contenues dans l’en-tête HTTP Referrer afin d’empêcher les sites de divulguer les données de parcours des utilisateurs.
En enlevant le referer complet, Firefox ne communique que le nom de domaine, exit donc les slug, Utm, gclid, et consorts, permettant de tracer le parcours.
Avec ATT, Google Ads n’envoie plus l’identifiant de clic Google (GCLID) pour le trafic iOS 14 provenant d’annonces d’applications Google. Le trafic provenant d’autres sources Google ne sera pas affecté et continuera à inclure les GCLID.
Le trafic provenant des applications iOS avec du GCLID dans les URL des pages de destination va donc diminuer, {gclid} ValueTrack sera défini comme un texte vide « ».
Le volume de conversions constaté dans Gads en provenance d’IOS va donc chuter.
Pour son navigateur Chrome (60% de part de marché), Google veut éviter d’être poussé par ses concurrents dans la mauvaise position des « Entreprises qui nous Espionnent » et s’est lancé lui aussi dans la conquête d’une posture compatible avec à la fois l’évolution de la réglementation et des attentes des end-users, et à la fois au besoin vital de data pour l’AdTech :
- Blocage des cookies tiers (ceux qui permettent de vous suivre dans votre parcours de sites en sites), et statu-quo sur l’acceptation des cookies first party. (Ceci dit, les fonctionnalités des cookies tiers peuvent être quasi retrouvées avec des cookies première partie, combinés à un tracking de type pixels de Facebook)
- Evolution des balises GTM et script de tracking pour tenir compte dans la collecte d’informations du niveau de consentement de l’utilisateur sur le site : Consent Mode.
- Certifications des extensions Chrome dans le Web Store pour le respect de la vie privée
- Plan « Privacy Sandbox » qui vise à remplacer le système de ciblage publicitaire par cookies de tracking par des créations de groupes d’utilisateurs anonymisés appelés cohortes, qui deviennent la granularité de ciblage la plus fine. Ces cohortes sont appelés Federated Learning of Cohorts ou FLoCs.
- Volonté de faire des FLoCs la brique standard des AdTech puisque Google volontairement la rends disponible à son écosystème. A noter que WordPress n’a pas pour l’instant mordu à l’hameçon et à souhaité bloquer les FLoCs, comme Vivaldi, Brave et DuckDuckGo’s.
- Pour Google, nous notons, qu’ à l’opposé de sa position affichée pour Chrome et l’évolution du tracking individuel vers les cohortes, Google conserve bien le tracking intrusif sur les Android et les services tiers comme Maps, Gmail, etc…
Les évolutions encours des stratégies de Google sur les Ads vont aussi impacter la modélisation des campagnes à travers plusieurs points très importants :
- L’activation du Consent Mode impacte la quantité et la qualité des conversions exploitées par les campagnes Google Ads, ainsi que la qualité d’attribution des conversions et les possibilités optimisations des stratégies d’enchères et de ciblage.
- Pour palier à cette disparition de data et d’optimisation des campagnes Google pousse son pion du machine learning avec leur concept de conversion modeling basé sur l’IA et censé permettre aux annonceurs de recouvrer jusqu’à 70% des évènements du parcours jusqu’à la conversion. L’IA reconstruit le parcours manquant entre l’Ad et la conversion de manière holistique sur la base de data récoltées équivalentes. Il y aura donc dans Google Ads des datasets d’observation exacte mélangée avec des datasets issus de l’extrapolation de l’IA, ce qui va dans le sens observé depuis 2 ans d’une diminution des possibilités d’optimisation humaine au profit du machine learning et pose des problèmes de diagnostic et de stratégies d’optimisation.
- Google profite de cette évolution du marché via la réglementation et les demandes des utilisateurs pour mettre la main sur des possibilités d’optimisation de campagnes comme les stratégies tCPA et tROAS pour les remplacer par une stratégie de type machine learning fourre-tout « Maximiser les conversions » qui aura tendance à faire dépenser plus.
- Google continue sa stratégie de masquage des datas et de diminution des possibilités d’optimisation et d’augmentation de la part de l’IA en :
- supprimant une grande partie des termes de recherche (assimilable au not-provided en seo)
- appliquant automatiquement les recommandations si vous avez coché l’opt-in, recommandations qui vont dans le sens bien souvent de plus de dépenses,
- en développant de plus en plus de campagnes « smart« , sur lesquelles il y a énormément de fraudes au clic, et pour lesquelles Google bloque les possibilités historiques de choix des inventaires, de filtrage des IP (pour bloquer les fermes de bots), etc…
- supprimant la possibilité de modificateur de recherche dans les correspondances de mots clés,
- en faisant varier exagérément certains cpc sur les stratégies eCPC sans possibilité de contrôle.
Pour Facebook Ads il y a aussi beaucoup d’impacts, par exemple les opt-out IDFA ne pourront plus être pris en compte dans les audiences personnalisées.
2021 est donc une année de remise en cause considérable et profonde des business models autour des AdTech, qui génère des conflits étonnants entre des GAFA qui ont tous eu les mêmes pratiques mais qui choisissent des positionnements stratégiques à l’aune des évolutions réglementaires et de la crise sanitaire.
La mise en place des nouvelles directives cookies 2021 contribue aussi fortement à structurer en profondeur la WebData : les consentements ne peuvent plus être implicites mais doivent être formalisés sur un acte positif clair que très peu font vraiment (qui veut être espionné ?), et révoqués par simple clic, les utilisateurs devant être informés des finalités des traceurs avant le consentement.
Conclusion : cette année 2021 est une année de profonde transition dans le marketing digital, les GAFAM font évoluer fortement leur stratégie avec beaucoup d’habilité marketing pour essayer de tirer partie des nouvelles contraintes réglementaires .